Par Mélodie Charest
« On part d’un cœur historique pour en faire le cœur de l’innovation », affirme Hugues-Antoine Dubé, directeur du projet Humano District. Malgré ses allures de château, la maison générale des Petites Sœurs de la Sainte-Famille à Sherbrooke est du dernier cri. Elle accueillera, dans les prochains mois, un centre de calcul scientifique dont le but est de récupérer la chaleur des processeurs afin de chauffer 650 logements.
En janvier dernier, nous apprenions que le cinquième ordinateur quantique le plus puissant au monde sera installé à l’usine IBM de Bromont. Il sera opéré par le centre de calcul Plateforme d’Innovation Numérique et Quantique (PINQ2) de l’Université de Sherbrooke.
Né d’une initiative de l’Université de Sherbrooke et du ministère de l’Économie et de l’Innovation du Québec, en 2020, PINQ2 souhaite faire passer le Québec à la vitesse supérieure en matière de transfert technologique entre l’industrie et la recherche.
Toutefois, le centre de calcul qui réalisera les algorithmes ne se localisera pas dans l’enceinte de l’institution universitaire, mais dans un quartier résidentiel de Sherbrooke, qui se nomme Humano District. La maison générale, située au cœur du quartier, accueillera le centre pour garder au chaud ses résidents.
Le monument historique a déjà un système de chaufferie centrale. Matthieu Cardinal, président du projet Humano District, souhaitait pouvoir exploiter cette infrastructure existante pour chauffer les futurs immeubles.
Après avoir envisagé la géothermie et la récupération de chaleur issue d’activités piscicoles, M. Cardinal fait le choix d’une boucle de chaleur alimentée par un centre de données : « Je suis convaincu que le Québec peut se positionner dans le numérique pour en faire une industrie qui va chauffer nos villes », affirme-t-il.
Boucle d’or ou boucle de chaleur?
Pour Simon Bérubé, directeur Innovation et développement de la firme Énergère qui a travaillé sur le projet, la boucle de chaleur du quartier sherbrookois peut se résumer à une histoire de voisinage : « une personne met ses poubelles thermiques sur le bord du chemin et l’autre décide de les prendre pour chauffer son quartier ».
Bien que peu implantées en Amérique du Nord, les boucles d’énergie et le recyclage énergétique sont des technologies connues. Le volet innovateur du projet, c’est d’avoir pu intégrer un petit centre de calcul à l’échelle d’un quartier. « Tous les avancements dans le monde des TI [technologies de l’information] et les avancements dans le monde du bâtiment se rencontrent », affirme Hugues-Antoine Dubé, directeur de projet Humano District.
Ce projet en efficacité énergétique est ambitieux, et l’équipe d’Énergère n’hésite pas à affirmer que « sans des subventions comme celles du Fonds Écoleader, on ne pourrait pas faire le projet et démontrer que c’est économiquement viable ».
Comment fonctionne une boucle de chaleur? Les mégawatts qu’Hydro-Sherbrooke achemine au centre de calcul nourrissent les processeurs qui réalisent les calculs. Ces processeurs consomment l’énergie, mais ils produisent aussi beaucoup de chaleur.
« Dans un centre de données conventionnel, on rejette cette chaleur à l’extérieur du bâtiment. La particularité du projet d’Humano District consiste au fait que la chaleur est canalisée dans des tuyaux d’eau chaude pour chauffer le quartier », affirme M. Bérubé.
Bien que la technologie ne permette pas de récupérer à 100% la chaleur, M. Bérubé voit un avantage économique intéressant au projet : « C’est future-proof, en ce sens que la récupération d’énergie, une fois que la technologie est installée, c’est pour la durée de vie du bâtiment ».
Miroir, miroir, dis-moi quelle innovation est la plus belle
L’innovation du projet ne tient pas seulement qu’au point de vue technologique. Il y a aussi, pour reprendre les mots de M. Dubé, une « réussite sociale ».
Jusqu’à présent, parmi les organismes qui se sont installés dans la Maison générale, il y a le CPE Les Amis du Globe et l’organisme Croquarium, qui offre des activités de jardinage aux enfants.
C’est sans compter que M. Bérubé et ses collègues se sont également assurés que le quartier fera la promotion de la mobilité durable et de la protection du Mont-Bellevue.
Les premiers locataires des unités de logement pourront emménager dès septembre 2024.